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Numéro 31 // Jeudi 27 janvier 2022
Édito
L'EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE DU NUMÉRIQUE : LE RÉVEIL A SONNÉ !
Ce mois-ci, la Lettre du DPO a interrogé Vanessa Kurukgy, ancienne avocate, juriste à la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels (FCEN) et David Bessot, membre fondateur et Directeur Général de la société Infhotep. Ils livrent à la Lettre du DPO leur témoignage sur les conséquences environnementales du numérique.
 
L’empreinte environnementale du numérique. Les technologies numériques peuvent être perçues comme un levier d’innovation permettant d’apporter des réponses concrètes aux défis environnementaux. Par  la collecte et l’analyse de données, le numérique participe ainsi à l'adaptation intelligente de la thermique des bâtiments, la détection et la mesure des pertes sur les réseaux d’électricité, de gaz ou d’eau. Cependant, le développement, en parallèle, de dispositifs basés sur la collecte, le traitement et le stockage de données à grande échelle (enceintes connectées, caméras de vidéosurveillances personnelles, etc.) contribue aux émissions de gaz à effets de serre (GES). Ainsi, le numérique représenterait aujourd’hui 3 à 4 % des émissions de GES dans le monde et 2 % des émissions au niveau national. Plus de 75 % de l’impact environnemental du numérique en France (émission de GES, consommation d’eau et de ressources) se concentrerait sur la phase de fabrication des équipements (téléviseurs, ordinateurs, téléphones, etc.). Selon le pré-rapport  de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat, les émissions en GES du numérique pourraient augmenter de manière significative si aucune initiative n’est prise pour en diminuer l’empreinte environnementale : + 60 % d’ici à 2040, soit 6,7 % des émissions de GES nationales.
 
Faire converger le numérique avec l’exigence environnementale.
Conscient de la progression inquiétante de la pollution numérique, liée notamment au renouvellement excessif des terminaux (smartphones, tablettes, ordinateurs…), le législateur français a pris une série de mesures ambitieuses ayant pour objectif d’une part, de faire converger la transition numérique et la transition écologique et, d’autre part, de responsabiliser tous les acteurs du numérique (consommateurs et professionnels du secteur et acteurs publics). C’est avec l’intention d’atteindre ces objectifs qu’ont été adoptées la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 « relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire » (« AGEC »), promouvant le recyclage et la réparation (entrée en vigueur le 1er janvier 2021, hormis pour certaines dispositions qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022 ) et la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (« loi REEN »)
 
Protection des données et préservation de l’environnement. Une lecture du RGPD sous l’angle de la sobriété numérique pourrait aussi participer à la protection de l’environnement. En effet, l’application effective de certains principes fondamentaux, comme la minimisation de la collecte des données et la limitation de leur durée de conservation, pourraient participer aux objectifs de modération énergétique. Les conséquences environnementales du traitement massif des données sont aussi un sujet d’attention majeure pour la CNIL qui, par l’intermédiaire du laboratoire d’innovation numérique, étudie les liens entre la protection des données et l’environnement dans le cadre de travaux prospectifs, de publications et d’expérimentations.

Bonne lecture !

Matthieu Bourgeois et Laurent Badiane, associés en charge du département Immatériel & Numérique

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Témoignage
« La sobriété numérique (…) est la conséquence de la sobriété énergétique dont la nécessité s’impose comme une évidence » 
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Emerveillée depuis son enfance par la beauté de la nature et sensible à la fragilité des équilibres naturels ainsi qu’à la menace que constitue pour eux l’activité humaine lorsqu’elle est immodérée, Vanessa Kurukgy s’est très tôt tournée vers le droit de l’environnement. Elle a ensuite  étudié le droit de l’énergie, à l'époque de l'émergence de l’ouverture de ce marché à la concurrence et des énergies dites renouvelables. Ayant récemment rejoint un organisme en charge de la protection de la biodiversité, après de longues années passées dans le conseil comme avocate, Vanessa revient en détail sur son parcours engagé et livre à la lettre du DPO sa vision sur l’avenir de cette réglementation ainsi que son incidence sur le numérique. 
 
1/- Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser au droit de l’environnement ? 

Après des études de droit débutées à l’Université de Nanterre (bi-diplôme en droit français et américain), prolongées par une année de LLM à Londres où j’ai reçu mes premiers enseignements en droit de l’environnement, j’ai ensuite intégré l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sciences-Po), dans le Master « Affaires Publiques » et la filière Energie, avec l’intuition que les deux sujets étaient intimement liés. Un premier stage, dans le département de Droit Public du cabinet CMS Francis Lefebvre, plus particulièrement avec des avocats pratiquant le droit de l’environnement et de l’urbanisme, m’a confortée dans cette orientation, que j’ai poursuivie comme avocate au sein du cabinet Fieldfisher où j’ai exercé pendant 7 ans.  
Ensuite, souhaitant m’impliquer davantage dans la protection de la biodiversité, j’ai rejoint, comme juriste, en 2020, la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels (FCEN).

2/- Quelles sont vos responsabilités et les missions que vous menez, plus particulièrement actuellement ? 

La FCEN est un réseau d'associations de spécialistes de la biodiversité, notamment des naturalistes, implantées dans chaque région (sauf la Bretagne). La FCEN accompagne les Conservatoires au quotidien, notamment sur les aspects juridiques. J’y travaille comme juriste, en particulier sur les outils du foncier applicables dans et aux espaces naturels, afin d'identifier les outils de la meilleure protection possible et d'accompagner leur mise en œuvre. Cela nécessite d'intégrer tous les enjeux du contexte local, tels que les différentes parties prenantes (agriculteurs, Office National des Forêts (ONF), collectivités etc.) et les spécificités du foncier (activité économique sur le site, classement réglementaire particulier, caractéristiques naturelles etc). Je m’occupe plus particulièrement de contrats de protection volontaire de la biodiversité (dénommés « Obligation Réelle Environnementale » ou « ORE »), avec le soutien financier de l’Office Français de la Biodiversité (« OFB »). Ce dispositif intéresse une multitude d’acteurs (particuliers, entreprises, organismes publics) et m’amène à travailler tant sur les aspects de protection « patrimoniale » de la biodiversité (volonté de transmission d'un  «héritage vert » aux générations suivantes) que sur la compensation écologique, dont la réalisation est liée à une destruction de l'environnement pour un projet économique et/ou d'aménagement et requiert une assise foncière.

3/- Quelle est votre vision sur l’avenir du Droit de l’Environnement et son incidence sur les domaines, tel que le numérique ? 

Le droit de l’environnement n’est pas récent puisque les premiers textes significatifs datent du début du XXe siècle ; il s’est particulièrement étoffé depuis les années 1970 et s’est ensuite constamment étendu, à un rythme sans cesse plus rapide, à l’image de l’urgence qu’il y a à supprimer, maîtriser ou atténuer l’impact des activités humaines sur l’environnement. A l’avenir, la réglementation ainsi que la jurisprudence vont se multiplier de manière très transversale, et le numérique n’est pas en reste. La protection de la biodiversité va s’imposer, à côté de celle du climat, comme l’un des grands enjeux à venir. A ce sujet, l’industrie numérique va devoir s’adapter car, en l’état, les data centers - par exemple - consomment d’immenses ressources et entraînent la destruction d’espaces naturels. La sobriété numérique, que promeut la récente loi « REEN » (promulguée le 15/12/2021), est la conséquence de la sobriété énergétique dont la nécessité s’impose comme une évidence. Verdir l’offre technologique doit aller de pair avec une modération de la consommation. Le numérique, comme les autres activités humaines, ne peut pas s’abstraire de cette nécessité et doit cesser de prôner une culture de l’illimité à tout crin.
Éclairage pratique
DE LA SOBRIÉTÉ NUMÉRIQUE A L’ÉTHIQUE NUMÉRIQUE
Associé fondateur et aujourd’hui Directeur Général de la société Infhotep, David Bessot a pris le parti, dès le début de sa carrière, de réfléchir et de travailler à des solutions numériques durables, plutôt que favoriser l’hyper-croissance applicative, en privilégiant une meilleure utilisation des compétences et des outils existants. Comprenant qu’une bonne maîtrise des outils impliquait un usage raisonné de la donnée, Infhotep a publié, en 2019, un livre blanc, intitulé « l’Écologie de la Donnée - du bon usage de la donnée en 2020 », auquel a contribué Julien Hautemanière (consultant Infhotep et géographe de formation). Revenant sur cette réflexion, ils livrent tous deux à la Lettre du DPO leur éclairage pratique sur ce que peut être une gestion responsable de ce patrimoine en 2022.
 
Ménager les ressources en promouvant la sobriété numérique. La révolution numérique est terminée car tout le monde est désormais équipé ; aussi, le sujet de la décennie à venir va consister à mieux gérer l’existant et non à le développer. Pour revenir au sujet de l’impact environnemental du numérique, on sait que la fabrication de terminaux (smart phones, tablettes, ordinateurs …) est à l’origine d’environ 80 % de la pollution numérique en France et alors même que le nombre de ces terminaux va flamber avec la généralisation des objets connectés (IOT) qui va concerner un ensemble de produits de la vie courante moderne (voiture, montre, réfrigérateur …). 
Il va falloir travailler à la réparabilité de ces équipements (prolonger la durée de vie) ainsi qu’à une meilleure gestion des quantités astronomiques de données qui en résulteront (notamment en apprenant à « tuer » les données, c’est-à-dire les supprimer une fois pour toutes, alors qu’aujourd’hui trop rares sont les véritables destructions). De ce point de vue, le RGPD, en exigeant une limitation de la collecte et de la durée de conservation des données personnelles, promeut une forme d’écologie. Et cela ne nuira pas nécessairement à l’efficacité car la surcharge informationnelle peut être un handicap : une organisation qui stocke avec discernement des données pourra concentrer ses efforts à améliorer leur qualité et mieux les valoriser, et finalement produire des résultats aussi efficaces – voire davantage - qu’en conservant à l’excès toutes sortes de données. La sobriété numérique, bien appliquée, sera gage de bonne santé d’une organisation ».

 
Ecologie et éthique : tout est lié. « L’outil numérique confère à celui qui le maîtrise une emprise sur ses semblables, ne serait-ce que par l’information contenue dans les données personnelles, par exemple, et qui peuvent être utilisées parfois contre les intérêts ou les droits de la personne concernée. Or, si, dans le monde physique, les règles sont plutôt claires (on ne peut pas vendre un rein par exemple), les choses sont plus floues dans le monde numérique : on peut vendre des données personnelles par exemple. Cette distinction peut avoir un lien avec la consommation immodérée des ressources numériques (qui, ne l’oublions pas, consomme des ressources physiques - électricité, terres rares, etc - bien limitées).En réalité, la détérioration de l’environnement trouve ses causes dans les comportements humains à l’égard de la technologie ; elle doit nous interpeller sur le bon usage de celle-ci et le numérique n’y échappe pas. On pourrait, par exemple, imposer l’usage « pro/perso » de tout équipement (pour éviter la multiplication des terminaux) ou encore mettre en place une vignette écologique pour les produits / services numériques. Au fond, avec le numérique, nous (re) vivons le dilemme de nos ancêtres qui, ayant décuplé leur puissance physique grâce aux machines industrielles, devaient en brider les capacités ou les usages pour éviter de détruire ceux qui les manipulaient ou les côtoyaient. Ainsi, pour ne pas blesser les relations humaines, les outils de communication électroniques doivent être utilisés avec frugalité et conscience. À l’avenir, les missions du DPO pourraient être élargies à des thématiques comme celles de l’éthique et la sobriété numérique, car la consommation sans limites n’est pas tenable et la loi de MOORE (accroissement exponentiel de la puissance de calcul des microprocesseurs), qui d’ailleurs a atteint ses limites, ne peut pas servir de modèle à cette consommation au risque de créer un épuisement destructeur, naturel mais aussi humain. »
UPDATE
Tendance
UN NUMÉRIQUE DU FUTUR PLUS SOUTENABLE : LA NOUVELLE FEUILLE DE ROUTE DE L’ARCEP 
Promulguée la veille de Noël et venant compléter la loi « REEN » du 15 novembre 2021, la loi n°2021-1755 du 23 décembre 2021 étend les compétences de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) en lui octroyant le droit de rassembler des données relatives à l'impact environnemental du numérique, outre le pouvoir de procéder à des expertises et de mener des études. Conscient que le numérique est responsable de 2% des émissions carbone en France en 2019, le législateur affiche sa volonté de contrôler l’empreinte environnementale du numérique, et cible particulièrement le secteur des communications électroniques, des terminaux, et des centres de données. Seront soumis à transparence les fournisseurs de systèmes d’exploitation et les opérateurs de centres de données, nouvellement définis (art. L.32 CPCE), mais également les fournisseurs  de services de communications électroniques, les fabricants d'équipements terminaux, et les équipementiers de réseaux, qui devront, sur demande motivée,  fournir  à l’ARCEP, toute information  et document  fiables  relatifs à l’empreinte environnementale de leurs outils, la détermination des indicateurs et des méthodes employés pour la mesurer (art. L.36-6 CPCE).  Annuellement, l’ARCEP dressera un bilan et publiera un rapport d’activité, qui présentera notamment l’état du marché des communications électroniques et de l’internet (art. L.135 CPCE). 
BRÈVE N°1
Loi REEN du 15 novembre 2021 : cap vers la conciliation du numérique et de l’environnement !   
Le sujet est préoccupant : selon la Commission européenne, le numérique, qui représente déjà actuellement autant que le trafic aérien civil mondial (2,5 %), pourrait représenter jusqu’à 14 % des émissions mondiales de GES d’ici à 2040, si rien n’est fait. Alertés par ce constat, des sénateurs ont soumis une proposition en octobre 2020, qui a débouché, le 15 novembre 2021, sur la promulgation de la loi n° 2021-1485 « visant à réduire l’impact environnemental du numérique en France » (dite loi « REEN »). Les dispositions de la loi, dont l’entrée en vigueur s’échelonne entre 2022 à 2026, ont pour objectifs (i) de limiter le renouvellement des terminaux, (ii) de faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux, (iii) de promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores ; et (iv) d’encourager une stratégie numérique responsable dans les territoires. Les nouveautés apportées par ce texte sont nombreuses, en particulier en droit de la consommation, en droit des communications électroniques et en droit public. Tous les acteurs privés et publics, en particulier ceux du secteur numérique, doivent se les approprier rapidement. 

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BRÈVE N°2
Sanction CNIL : le consentement biaisé des utilisateurs de GOOGLE et FACEBOOK pour le dépôt des cookies
A la suite de plusieurs contrôles, la formation restreinte de la CNIL a constaté que les sites « facebook.com », « google.fr » et « youtube.com » n’avaient toujours pas mis en place de solution conforme permettant aux utilisateurs de refuser le dépôt des cookies aussi facilement qu’ils peuvent les accepter, à savoir directement à partir du bandeau cookies.
La CNIL, qui considère que ce procédé porte atteinte à la liberté du consentement dès lors que, sur internet, l’utilisateur s’attend à pouvoir rapidement consulter un site, ce procédé biaisant ainsi son choix en faveur du consentement, a donc notamment prononcé :
Depuis le 31 mars 2021, date de la fin du délai accordé pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles en matière de cookies, la CNIL a adopté près de 100 mesures correctrices. 
 
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Jeudi 10 février 2022
16e édition de l’Université des DPO  
L’Association Française des Correspondants à la protection des Données à caractère Personnel (AFCDP) revient en 2022 avec ce qui devrait être à nouveau la plus grande conférence organisée en France sur le thème de la conformité au RGPD. La 16e édition de l’Université des DPO débutera le 10 février 2022 à la Maison de la Chimie et se poursuivra par 6 webinars au cours de l’année. La place du Défenseur des droits en matière de données personnelles, la réaction adéquate face à une demande de rançon et l’impact de la crise sanitaire sur l’état des droits et libertés des citoyens sont autant de thèmes qui seront abordés.  

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Le département Immatériel et Numérique de klein • wenner 

Forte d’avocats expérimentés, experts en droit du numérique et du RGPD, l’équipe Immatériel & Numérique de klein • wenner a développé une pratique transversale inédite en droit de la donnée. En lien avec d’autres experts (cybersécurité, SI/gouvernance des données), elle propose une approche globale permettant de traiter l’ensemble des questions liées aux données (privacy,  propriété intellectuelle, cybersécurité, et open data* – *avec l’équipe Droit public du cabinet).

 
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La Lettre du DPO est une publication de klein • wenner qui traite vos données conformément à la règlementation protégeant les données à caractère personnel. Pour en savoir plus, cliquez ici.

 
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