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Jean-Paul FILLASTRE (1934-2018)


            Le professeur Jean-Paul Fillastre nous a quittés le 19 septembre 2018 à l'âge de 84 ans.

            Jean-Paul Fillastre est né au Havre en 1934 dans une famille de marins. Son grand-père était capitaine d'un «terre-neuvas» et son père «pilote du Havre». Pendant les vacances scolaires suivant l'année du baccalauréat, il s'embarque comme «pilotin» sur un bananier reliant Le Havre à la Guadeloupe. L'expérience ne dût pas être concluante puisqu'à son retour, il s'inscrit à l'Ecole de Médecine de Rouen. Les patrons rouennais l'incitent à passer le concours de l'Externat de Paris. Il devient Externe puis Interne des Hôpitaux de Paris. Jean-Paul Fillastre s'oriente alors vers la gastro-entérologie, part aux Etats-Unis et s'initie à l'électromanométrie digestive au John Hopkins Hospital de Baltimore. Au cours de son internat, Jean-Paul Fillastre souhaite compléter sa formation dans un domaine dont la compréhension est récente et qui est fréquemment rencontré en gastro-entérologie: les troubles hydro-électrolytiques. Le sixième semestre d'internat se passe donc dans le service du Professeur Gabriel Richet, alors secondé de deux assistants: Raymond Ardaillou et Claude Amiel. Au contact de tels maîtres, passionnés par la recherche, Jean-Paul Fillastre est vite séduit par cette nouvelle discipline. Son orientation définitive devient  la Néphrologie. Il réalise un stage de Médaille d'Or dans le service du Professeur Jean Hamburger, puis son clinicat à l'hôpital Tenon dans le service du Professeur Richet.

            Appelé à exercer des fonctions hospitalo-universitaires, Jean-Paul Fillastre choisit alors de venir créer un service de Néphrologie à Rouen. Il prend ses fonctions en septembre 1970. A cette date, il n'y a pas de centre de dialyse en Normandie. Son premier objectif est donc de créer une unité d'hémodialyse puis de contribuer à l'ouverture d'autres centres dans la région. Par la suite, il n'aura de cesse d'obtenir un rééquilibrage de la «carte sanitaire» afin d'offrir en Haute-Normandie des possibilités de dialyse équivalentes à celles des autres régions.

            Dès son arrivée à Rouen, Jean-Paul Fillastre souhaite rajouter à l'activité néphrologique classique une orientation plus spécifique: il crée avec ses collègues cardiologue et endocrinologue une consultation multidisciplinaire d'Hypertension Artérielle. Jean-Paul Fillastre continuera à s'intéresser de près à cette pathologie pendant toute sa carrière. Il deviendra en 1996 Vice-Président de la Société d'Hypertension Artérielle.

            En 1970, l'Ecole de Médecine de Rouen est devenue Faculté mais c'est une toute jeune faculté. Les activités de recherche sont encore très limitées. Raymond Ardaillou a transmis à Jean-Paul Fillastre le virus de la Recherche. Très vite, il se rapproche de ses collègues de la Faculté des Sciences et crée un Groupe de Recherche de Physiopathologie tissulaire. La thématique est originale: la néphrotoxicité des antibiotiques et notamment celle des aminosides. Il obtiendra dans ce domaine une réputation internationale et organisera à Rouen deux congrès internationaux sur ce thème. Il obtient début 86 la création de l'Unité INSERM U 295 «Physiopathologie et génétique rénale et pulmonaire». L'intérêt de l'équipe s'élargira ensuite à la toxicité rénale des médicaments anticancéreux et au développement de méthodes alternatives à l'expérimentation animale.

            Jean-Paul Filllastre était aussi un enseignant passionné. Les étudiants appréciaient la clarté et le dynamisme de ses cours magistraux. Il était très proche des étudiants et insistait pour participer lui-même aux enseignements par petits groupes. Jean-Paul Fillastre aimait animer des enseignements post-universitaires, notamment sur l'hypertension artérielle. A l'affût de toute nouveauté, Jean-Paul Fillastre se passionne pour les innovations pédagogiques. Il participe activement à la mise en place de l'enseignement par petits groupes (APP) à la faculté de médecine de Rouen. En tant que Président de la Commission Pédagogique de la faculté, il accomplit un énorme travail de révision des programmes d'enseignement. Il devient à la fin de son activité un farouche partisan de la Lecture Critique d'Article. Jean-Paul Fillastre a su transmettre à ses collaborateurs, universitaires ou non, cette passion de l'enseignement. Le service de néphrologie était reconnu pour la qualité de la formation qui y était dispensée, attirant ainsi les étudiants hospitaliers, les internes d'autres spécialités, suscitant de nombreuses vocations de néphrologues et formant de nombreux élèves. Jean-Paul Fillastre a participé à de nombreux enseignements à l'étranger mais c'est avec ses collègues tunisiens (professeurs Hassouna Ben Ayed et Hédi Ben Maiz) qu'il tissera les liens les plus solides. Des conventions existent entre les hôpitaux Charles Nicolle de Tunis et de Rouen et pendant de longues années, le service de néphrologie a eu le bonheur d'accueillir de nombreux internes tunisiens dont la compétence faisait à chaque fois l'admiration de tous. Beaucoup d'entre eux ont fait, par la suite, une brillante carrière en France ou en Tunisie.

            Il serait trop long d'évoquer toutes les fonctions administratives qu'a assuré Jean-Paul Fillastre au plan régional ou national, aussi bien dans le domaine hospitalier qu'universitaire. Mais on doit rappeler ici le rôle essentiel qu'il joua en tant que Président de la Société de Néphrologie. Nous sommes au milieu des années 80. Les réunions de la Société sont principalement faites de communications libres, sur des thèmes le plus souvent fondamentaux. Jean-Paul Fillastre devient Président en 1986. Il souhaite une ouverture de la Société vers l'ensemble des néphrologues. Il propose de nouveaux statuts, un remaniement du Conseil d'Administration, la création de Commissions et d'allocations de recherche et surtout une nouvelle organisation des réunions annuelles avec conférences, ateliers, séances de communications libres et de mises au point. Tout ne se fait pas sans quelques réticences mais la première réunion à lieu à La Cité des Sciences de la Villette en octobre 1989 et c'est un grand succès. La Société lui rendra hommage en 2002 en lui remettant, en même temps qu'à H. Ben Ayed, la première médaille Jean Hamburger.   

            Jean-Paul Fillastre possédait un enthousiasme communicatif et un charisme simple et naturel. Il était doué d' une formidable efficacité dans le travail ce qui lui a permis de mener de front les nombreuses activités évoquées plus haut et de trouver encore du temps pour se consacrer à son activité sportive préférée: le golf. Seule la neige, heureusement rare en Normandie, pouvait le priver de son parcours de golf hebdomadaire.

            Jean-Paul Fillastre était surtout un homme d'une très grande générosité. Il était toujours prêt à aller voir un patient ou à recevoir une famille inquiète. Il savait être à l'écoute des plus jeunes pour conseiller l'orientation d'une carrière. Il était attentif aux soucis des uns et des autres, du personnel de son service comme des membres de l'équipe médicale ou de l'équipe de recherche. Nombreux sont ses amis, ses collègues qui se souviennent d'avoir reçu sa visite ou un petit mot écrit de sa belle écriture à l'occasion d'un événement heureux ou au contraire d'un souci personnel ou familial. 

            Comme l'ont montré les innombrables messages adressés après son décès, tous ses amis, ses collègues, ses élèves de France et de Tunisie auraient aimé se réunir pour lui rendre un dernier hommage. Jean-Paul Fillastre était un homme simple, il avait émis le souhait que ses obsèques aient lieu dans la plus stricte intimité familiale.

            La communauté néphrologique le remercie vivement pour toute la contribution qu'il a apportée au développement et au rayonnement de sa discipline.  
            
            Professeur Michel Godin
 
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